Depuis que je suis enceinte de notre deuxième enfant, je fais de nouveau face à des injonctions contradictoires. Tantôt on nous dit que la grossesse ce n’est pas une maladie: «madame, vous pouvez travailler et faire votre vie comme vous voulez»! Mais de l’autre côté, souvent le professionnel de la santé qui suit la grossesse et l’entourage aussi s’y mettent en vous disant: «madame, il faudrait faire trois échographies, quelques prises de sang, plusieurs consultations médicales, madame, il ne faut pas manger ci, ne pas manger ça, ne pas faire ça…» Que dire de la peur de la malformation du fœtus et des fausses couches. Au début de cette grossesse, avec mon garçon à la garderie, c’est toute la famille qui a accumulé les rhumes. Ne me demandez pas pourquoi, mais je me suis surprise à penser que le fait d’être enrhumé sur une longue période va peut-être nuire à mon bébé. Sans cette peur inutile, j’aurais vécu mes premières semaines de grossesse plus zen. Et lorsqu’on arrive à la pratique du sport de la femme enceinte, alors là, les avis divergent vraiment sur ce qu’il faut faire ou ne pas faire.
Je me rappelle de ma première grossesse ou plutôt de ma troisième, puisque malheureusement, je fais partie de ces femmes qui ont vécu des fausses couches, ma docteur m’avait dit: «tu peux continuer à courir, tu as toujours fait ça, comme ton corps est habitué, ce n’est aucunement dangereux pour toi et ton bébé». Même moi, j’ai mis en doute son avis, tellement que j’avais entendu dire que le sport pouvait causer des fausses couches. Par peur d’un troisième deuil, j’ai attendu quatre mois passés pour me mettre à la course. Aujourd’hui, ma pratique de sport a légèrement changé, mais je continue à m’entraîner régulièrement, mais la question de la grossesse et la vision que nous pouvons en avoir s’immisce à nouveau dans mon quotidien. Dans cet article, j’aimerais déculpabiliser les femmes enceintes qui ne peuvent plus entendre les conseils, les commentaires, les avis contradictoires les uns des autres. Aussi, je souhaite nous encourager à nous écouter au-delà de tous ces mots.
Alors, malade ou pas?
Pas du tout! Je ne suis pas médecin, ni un professionnel de la santé. Je suis juste une femme qui expérimente la grossesse «viable» pour une deuxième fois. À coup sûr, la grossesse ce n’est pas une maladie MAIS ce n’est pas rien non plus. Selon mes lectures, il s’opère des changements hallucinants dans notre corps. C’est d’ailleurs la raison de nombreux symptômes chez la femme enceinte. Il y a des modifications dans la tête avec entre autres la fatigue, l’irritabilité et les sauts d’humeur. Les professionnels de la santé remarquent des modifications pulmonaires et respiratoires avec une ventilation par minute qui augmente, mais aussi des modifications cardiaques, car le débit cardiaque va augmenter. Lorsque nous sommes enceintes, on remarque aussi des changements au niveau de la digestion. En effet, on a l’impression que le transit ralenti et le clapet (le cardia) qui ferme l’estomac se relâche en provoquant des remontées acides. Il y a aussi des modifications ostéoarticulaires sans parler de toutes les autres pathologies liées à la grossesse. Raconté comme ça, on voit bien que la grossesse n’est pas un long fleuve tranquille. Avec tous ces changements dans notre corps, la grossesse est un travail à temps plein, mais pas pour autant une maladie. Les futures mamans ne sont pas obligées d’avoir tous les symptômes, il y a même certaines chanceuses qui n’en ont pas du tout comme ma grande sœur.
On lit dans cet article sur comment la grossesse est devenue une maladie que le progrès de la médecine dans les techniques performantes de dépistage et d’intervention est rassurant pour nous les femmes et nos bébés, mais également inquiétant dans la mesure où on se sent plus exposé qu’auparavant. https://www.cairn.info/le-corps-du-desir–9782100545568-page-71.htm Dans le même article, on apprend que les maladies et des situations obstétricales mortelles sont de mieux en mieux maîtrisées et donc devenues rares, pourtant on a jamais autant fait «le rapprochement de la grossesse et de la maladie qu’aujourd’hui». «De nombreuses vies sont sauvées» nous dit-on, mais la peur des femmes pour eux et pour leurs bébés à naître ne cesse de croître. Le risque d’une complication potentielle a été généralisé. Ce risque s’applique désormais à toutes les femmes: «celles qui ne sont pas malades sont susceptibles de l’être, et on les examine dans ce sens; dès lors, les femmes saines rejoignent le groupe des femmes malades». Et la peur se propage à travers toutes les femmes enceintes sans considérer les particularités de chacune lors de la mise en place des dispositifs médicaux pour la femme enceinte.
Mais comme je vous ai dit, ça reste des injonctions très contradictoire, car, j’entends quand même de plus en plus le discours qui considére chaque femme enceinte unique et son bébé aussi. On pourrait alors croire que cette généralisation de la femme enceinte est appelée à disparaitre. Mais en attendant, dites-vous et il est vrai que votre grossesse ne ressemble en rien à une autre. Autant que possible, essayez de profiter de ce miracle de la vie sans trop la médicaliser.
C’est ok
Même si la grossesse n’est pas une maladie, ne condamnons pas insidieusement les femmes enceintes qui demandent des aménagements spéciaux au travail ou qui demandent un arrêt maladie au cours de leur grossesse si ces dernières n’ont pas accès à un retrait préventif ou qui s’adaptent difficilement à tous les changements au cours de la grossesse. Si vous avez besoin d’un arrêt de travail juste parce que vous êtes épuisées, et bien c’est ok. Si vous vous sentez fatiguées, ramollies, que vous vous couchez à 21 heures, que vous avez un peu l’humeur triste et maussade, que vous n’avez plus envie de faire la fête comme avant, c’est ok aussi. Il faut absolument changer notre regard sur les femmes enceintes.
Vous pouvez voir les femmes enceintes comme des guerrières, en particulier celles qui arrivent à tout conjuguer, s’occuper de leurs aînés, grossesse, travail …et tant mieux pour elles. Et puis, il y a celles qui restent sur le canapé à court d’énergie parce qu’elles font déjà énormément, même assises les yeux dans le vide. Les trois premiers mois de mes grossesses, je me reconnais tellement dans ces femmes qui n’ont aucune énergie pour rien. C’est incroyable comment on peut se sentir épuisé, alors qu’on a encore rien fait. Mais dans mon cas, heureusement, cet état de fatigue fait place à une femme enceinte plutôt énergique après le premier trimestre.
Donc, non, la grossesse n’est pas une maladie, mais c’est un état à part où il faut vraiment s’écouter et s’accompagner.
Elle est à vous
Oui, votre grossesse est à vous dans ces maux comme ces joies. Il est vraiment important de vous fier à vous, aux nombreux professionnels, aujourd’hui disponibles pour nous accompagner afin d’arriver à plus personnaliser votre grossesse. Que ça soit au niveau de l’alimentation, du sport, du poids, des différents maux vécus, des émotions, des inquiétudes, je vous encourage à vous informer pour vous, par rapport à votre situation, et votre réalité. Il est très difficile de généraliser les grossesses, même pour celles qui sont vécues par la même femme.
Est-ce que vous mangez trop ou encore vous ne mangez pas assez? Est-ce que vous allez vous entraîner pendant la grossesse ou encore attendre après? Est-ce que vous prenez trop de poids ou vous n’en prenez pas assez? Est-ce que vous vous laissez aller à vos envies de grossesse ou vous vous disciplinez à ne faire aucun faux pas, même enceinte? Est-ce que vous avez un gros ventre ou bien ça se voit à peine que vous êtes enceinte? Les questions comme ça il en a des centaines. Mais ma réponse reste la même pour toutes: écoutez-vous, acceptez-vous, ce n’est ni le temps de dépasser ses limites ni le temps de prouver aux autres quoi que ce soit. Je n’ai rien contre les changements d’habitude pendant la grossesse, je suis contre la non considération de soi dans ces changements contre le fait de suivre la masse.
Vous voulez faire du sport? Regardez le niveau de forme physique que vous avez déjà et demandez conseil à un professionnel pour savoir quel plan d’entrainement suivre pendant la grossesse. Et si vous ne faisiez pas d’activités physiques, même chose, informez-vous sur comment commencer tout en respectant votre rythme et en restant sécuritaire. Vous voulez bien manger? Informez-vous sur la bonne façon d’insérer de bonnes habitudes alimentaires dans votre quotidien. Mais n’allais pas prendre n’importe quel régime alimentaire juste pour le faire. Pour moi, il y a une grande différence entre faire et bien faire. Vous voulez arrêter de fumer, vous voulez améliorer votre environnement relationnel pour vous et l’enfant à naître, vous voulez changer vos pensées négatives en pensées positives, trouvez une personne qui peut vous accompagner dans vos démarches tout en vous mettant au centre de ces démarches.
Non seulement la grossesse est très personnelle d’une femme à une autre, mais pendant la grossesse c’est aussi le moment de se choisir, de s’écouter, de se respecter et de s’aimer. Oui, soyons douces avec nous-mêmes, soyons indulgentes et patientes avec nous-mêmes. Le mot clé, c’est de se déculpabiliser et de s’écouter.
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