Dans la course à pied, certes, il y a des coureurs qui nous inspirent et parfois nous sommes intimidés par leurs exploits. Mais dans ce sport tout le monde est égal dans le sens que, chacun à son niveau s’améliore et évolue parce qu’il apprend des autres, mais aussi de ses erreurs. Sans oser faire des erreurs, sans essayer (tantôt réussir tantôt échouer), on reste dans ce qu’on connaît. Malheureusement, cet amour pour ce qu’on connaît est l’ennemi numéro un à la progression. Si tu cours toujours 10 km à une certaine allure, tu vas devenir super fort sur 10 km à cette allure. Si tu veux progresser, tu dois varier les stimuli tant en allure qu’en distance pour que ton corps s’adapte à différents niveaux. Les erreurs font partie intégrante de ce processus d’évolution d’un coureur. La bonne nouvelle c’est que dans la progression, les erreurs ne manquent pas, mais les résultats non plus!
Osez tracer votre chemin
Je ne vous parle pas ici de faire les choses à l’aveugle et de finir par vous blesser ou encore d’abandonner votre sport. Non, je parle de vous renseigner, d’explorer, de pratiquer et si nécessaire de recommencer dans le but de trouver la technique, le volume, la motivation et le rythme propre à vous. Avec la course, non seulement la clé du succès c’est d’oser, mais c’est même capitale. C’est un sport où on apprend beaucoup des autres, mais surtout de nous-même. Être une copie d’un autre coureur n’est pas la bonne approche. Et dans le processus d’appropriation, non seulement les erreurs ne peuvent pas manquer, mais souvent elles contribuent à se définir comme coureur et coureuse. Donc, c’est un sport qui nous donne la liberté de se créer son propre chemin et cette liberté on ne la trouve pas partout dans notre vie. Alors, pourquoi ne pas en profiter?
En effet, dans plusieurs domaines de notre vie, nous savons qu’il y a une ligne à ne pas franchir du moins c’est ce que la société nous dit. On ne reste pas à l’école pendant 30 ans à se chercher. On ne change pas de travail chaque jour. Il y a des domaines où tes parents et tout le monde d’ailleurs vont te dire de ne pas faire les mêmes erreurs qu’eux. Si tu connais la recette pour ne pas se tromper, pourquoi en effet vouloir se tromper? Si on t’a montré le chemin, pourquoi en emprunter un autre? Oui, pourquoi puisqu’ on sait déjà ce qui est bon pour toi et qu’en plus on te l’offre sur un plateau d’argent, recette de ta vie incluse.
Comment dire?! Oui et non. On apprend des erreurs des autres, mais rien de mieux, à mon humble avis que d’apprendre de ses erreurs. Et la course à pied t’offre l’occasion de faire des “essais-erreurs” et d’en puiser ta propre recette. J’irais même plus loin en disant que dans la vie, il y a aussi des moments, des saisons, des étapes, appelez ça comme vous voulez où il faut dire non à la bonne logique des choses, aux conseils raisonnables et se saisir de cette liberté de faire ses propres erreurs.
En 2008 je venais de finir mon secondaire à l’école des adultes et je me demandais en quoi me diriger au cégep. Mon frère était parti en dehors de Montréal et je connaissais peu de gens significatifs pour demander conseil. Je me suis retournée vers une personne qui avait connu mon frère et qui me demandait de la considérer comme ma grande sœur. Je lui ai demandé ce que je devais faire comme études. «Il faut que tu ailles sur le marché du travail très vite parce que tu as de la famille en Afrique à t’occuper» me répond-t-elle. «Donc, continua-t-elle en disant: «je te suggère d’opter pour une formation professionnelle». Oui, cela avait du sens. Plus vite je vais travailler, plus vite je pourrais aider les miens. Mais ma famille en Afrique devrait-elle déterminer mon choix de carrière? Je suis au Québec. Je peux enfin faire toutes les études que je veux sans manquer des frais de scolarité et sans pénaliser mes frères et sœurs comme c’est le cas souvent dans des parcours scolaires dans mon pays d’origine. En effet, dans certaines situations malheureusement trop courantes, là d’où je viens, tout le monde ne peut pas aller à l’école. C’est un choix bien réfléchi et souvent certains y vont au détriment des autres. Bref, ma tête me disait que la personne n’avait pas tort. Mon cœur me disait de faire un choix qui me plaît sans tenir compte de la pression familiale et peu importe les années d’études à faire. C’est une chance à ne pas manquer! Aujourd’hui, après une technique en travail social, deux certificats, un en politique et l’autre en immigration et relations ethniques, je termine un bac en travail social. Je pense arrêter là, mais satisfaite de mes choix d’études. Ma famille n’a pas manqué le nécessaire et moi, je n’ai pas passé à côté de l’intervenante sociale que je suis aujourd’hui.
La plupart des gens vont être pour la liberté de choisir, mais que serait cette liberté si nous choisissions toujours ce qui a déjà été choisi par les autres? Comme pour mes études, mon parcours dans la course à pied a été aussi singulier et j’en suis fière. Je ne vous dis pas que le fait de tracer mon propre chemin ne m’a pas causé certaines blessures sportives, des questionnements sans réponses, du doute et de la peur. Toutefois, j’ai aussi appris beaucoup en passant d’une distance de 10 kilomètres à un marathon, ou encore de 65 kilomètres à 125 kilomètres en trail. J’ai appris à trouver l’équilibre parce que j’ai compris à la dure non seulement ce que c’est de se surentrainer, mais surtout les ravages que cela peut produire sur le corps et l’esprit. J’ai appris à bien m’alimenter lors de mon premier abandon à la moitié d’un ultra marathon sur route de 100 kilomètres causé par la négligence d’une bonne préparation alimentaire pour une distance aussi importante. Je ne sais pas pourquoi, mais je m’étais convaincue que je pouvais manger que des fruits durant la course. Alors, rapidement, j’étais sans force. Par ailleurs, j’ai appris l’importance du renforcement musculaire pour les coureurs comme moi lorsque j’en avais marre d’accumuler des douleurs musculaires un peu partout dans mon corps. C’est lorsque je regarde les 10 dernières années en tant que coureuse que je peux apprécier toutes ces erreurs commises. La Gazelle ne serait pas celle qu’elle est sans avoir osé s’approprier la course à pied. Au-delà des plans d’entraînement tout fait, de la technique et des équipements désormais disponibles pour nous faciliter la pratique de la course à pied, à mon humble avis, vous êtes votre propre outil. N’apprenez pas ce qu’est la course à pied, mais apprenez à vous connaître à travers elle. C’est vos sensations et votre ressenti qui devraient vous guider le plus. Si vous courez seulement avec la technique et la chaussure de l’année, mais sans courir avec vous, vous aurez les résultats d’une bonne technique sans l’extraordinaire sensation d’aller puiser en vous même toujours plus loin à chaque course et ainsi ne pas juste accumuler les exploits, mais devenir une meilleure version de vous-mêmes à tous les niveaux grâce à la course à pied . Oui, pour franchir une ligne d’arrivée, ça prend en effet la technique, mais aussi le mental et surtout le cœur. Donc, je le répète, le plus bel outil pour la course à pied c’est vous. Et si vous avez tout ce temps mis de l’avant des éléments externes pour progresser, récupérez-vous, placez-vous au centre et vous constaterez qu’avec le temps celles que vous considérez comme des erreurs sont celles qui vous ont approché de vos succès!
Osez recommencer!
Un ami coureur à moi a publié sur Facebook récemment cette phrase: « Les mêmes choses causent souvent les mêmes effets». C’est vrai aussi bien dans la vie que dans le monde de la course à pied. J’ai fait exprès d’utiliser le mot erreur au pluriel dans cet article, car je ne voulais pas passer le message qu’on apprend d’une seule erreur, encore moins si cette dernière est répétée à maintes reprises. Je vous ai plutôt parlé des erreurs pour dire qu’il y en a beaucoup, mais différentes. Pourquoi, vous pourriez me demander? Parce que les erreurs en général font partie intégrante de la vie. Elles nous font avancer. Mais une erreur qu’on commet, encore et encore sans apprendre d’elle, nous fait au contraire stagner. Pour ceux qui habitent à Montréal, je vous donne l’exemple du métro (société de transport de Montréal). Si je prends la ligne verte d’un bord à l’autre, le trajet est très long, mais ce qui m’assure d’arriver à la destination c’est que les stations changent de nom à chaque arrêt. Imaginez-vous, à la place, si le métro faisait du surplace sur une même et seule station. C’est l’effet que produit la même erreur ou les mêmes erreurs dans notre pratique de sport, mais en ajoutant à la stagnation, la fatigue, les blessures sportives, la démotivation et le sentiment d’échec.
Alors si vous vous reconnaissez comme faisant du surplace, alors pourquoi ne pas faire quelque chose de nouveau même si cela implique de recommencer au tout début. Oui, faire vraiment table rase de ce qui nous pousse à rester dans la même erreur. Je ne connais pas énormément de coureurs, mais ceux que je connais (moi incluse), je remarque à quel point c’est dûr d’être obligé de reculer, d’arrêter, ou encore pire de recommencer. En fait, on veut juste évoluer. Cela nous fait nous sentir bien, renforce notre estime, rassure notre égo. Mais à quoi bon évoluer avec des blessures sportives, de la fatigue mentale, du stress de la performance? À quoi bon vivre un sport supposé nous apporter bien-être, santé et fierté comme un lourd fardeau nous rendant malade, stressé et frustré? Voilà pourquoi, je vous propose de ne pas considérer le fait de recommencer comme négatif, même si je l’avoue, c’est difficile. Pour moi, cela reste un moyen parmi tant d’autres de bien avancer et parfois même, d’avancer plus vite.
Je me rappelle encore combien c’était dur quand ma chiropraticienne me demandait d’arrêter la course pendant une période donnée ou encore de revoir mon objectif à la baisse. Récemment, après mon premier accouchement, les souvenirs sont encore frais d’une Gazelle qui n’arrivait même pas à faire 30 secondes de course, alors que dans ma tête, j’étais supposé être rendu à la ligne de départ de la course mythique d’ultra trail de 160 kilomètres. C’est dur d’arrêter, de diminuer, de changer nos plans ou encore comme pour mon post-accouchement de réapprendre à courir parce que mon corps a changé. Mais ce qu’on ne réalise pas, c’est que ne pas accepter de s’écouter, c’est le meilleur moyen de s’éloigner de nos objectifs et surtout de l’objectif avec un grand O: courir en bonne santé!
Cela prend de l’humilité pour reconnaître nos erreurs, mais cela en prend encore plus pour apprendre d’elles! On aimerait tous que nos erreurs nous amènent dans cette logique: erreur-apprentissage-avancement. Toutefois, si vous devez passer par celle-ci: erreur-recommencement-avancement, ne vous étonnez pas, la vie n’est pas linéaire. Alors en cette année où plusieurs ont des objectifs de prendre le départ à un événement de course ou tout simplement se mettre ou se remettre à la course à pied, ayons le courage de tracer notre propre chemin et l’humilité de s’ajuster au besoin. Alors nous aurons chacun notre propre couleur et nous brillerons tous, comme un arc-en-ciel, dans le monde merveilleux de la course à pied.
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